Dictature lunaire, l’appel à la révolte

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J’introduis ma carte et pose mon doigt sur le lecteur. Cela fait cent fois que je passe dans ce sas et je sursaute toujours dès que j’entends le clic de l’aiguille s’enfoncer dans ma peau. L’alarme retentit dans la cabine, demi-tour, trop tard les portes blindées se ferment déjà. Accomplir le grand tour, pour déposer les micros SD m’a pris plus de temps que prévu.
– Veuillez patienter, un agent de contrôle va venir analyser l’erreur.
Trouve une solution, le module électrique a disparu. Envisager le pire et suivre le plan ; j’avale la Nano SD et vérifie que la clef USB figure bien à sa place. Je manque de m’étrangler lorsqu’une armoire à glace entre dans l’habitacle.
– Mademoiselle, votre carte s’il vous plaît.
– Tenez, scientifique Célina, je viens presque tous les jours ici. À force de passé, je devrais bénéficier d’un sas à mon nom.
Vive l’humour, son visage est aussi fermé que ces panneaux d’acier. Je commence à ressentir des sueurs froides, mon rythme cardiaque bondit, je vais me faire griller. « Respire, lentement, mais normalement, ne panique pas. »
– Votre doigt !
– Encore, vous comptez me vider de mon sang jusqu’à ce qu’on trouve l’erreur ?
– Votre génome d’identification n’est pas compatible avec votre visa, celle-ci ne permet plus l’accès aux bases lunaires extérieur à la nation.
Je pensais avoir plus de temps pour évacuer les lieux et rejoindre mon laboratoire clandestin.
– Vous allez me suivre, on va régler le problème.
– Ne vous donnez pas cette peine, je sens bien que vous avez d’autres chats à fouetter.
– On doit obéir au protocole.
Ma belle trouve une solution avant d’arriver aux autorités. Tu as déjà fait passer plein de matos en douce des deux côtés de la frontière. Réfléchis bien, et rappelles-toi de l’architecture de l’immeuble ; non pas celle-là, on ne va pas dans la bonne direction, par là non plus, si seulement je disposais d’une aide extérieure. Eurêka, voilà l’interrupteur de la vieille alarme d’incendie, je me souviens que je l’avais reconnecté discrètement pour une autre mission, j’appuie dessus.
– Désoler, j’ai glissé.
L’alerte résonne dans tout le bâtiment, moi je souris bêtement contente de ma connerie. Le gorille n’a toujours pas d’humour, il a l’air en rogne, je déguerpie. Je me laisse embarquer par cette marrée humaine qui essaie d’échapper à ce feu imaginaire et qui m’emmène tous droit vers ma bretelle de sortie. Je me retourne et j’aperçois mon chaperon qui se démène, arme à la main pour me rattraper. Une fois extirpée de cette cohue, je me glisse dans le vide-ordures. L’odeur infecte me pique les yeux, les poils de mes narines se désintègrent, je suis envahie par une envie de vomir. La montagne de déchets amortie ma chute et je me précipite vers les combinaisons spatiales. Le choc à l’arrière du crâne est brutal, ma vision se trouble…
Ma tête tourne, je ne sens même plus mes membres, ai-je encore un corps ? Oui, j’arrive à bouger les mains, je dois me trouver dans un laboratoire, je reconnais les senteurs familières de produit chimique.
– Les capteurs indiquent qu’elle revient à elle, Monsieur.
– Très bien, le deuxième scientifique avec qui elle parlait, Mr griffo, griffa…
– Mr Griffouillard.
– Cela n’a pas d’importance, on s’est occupé de lui ?
– Oui, Monsieur, on l’a recyclé.
– La clef USB ?
– Détruite, Monsieur.
– Ma chère Célina, je te conseille de tout nous raconter sur le projet clair de terre ?
– Vous savez déjà tout. La vraie question est pourquoi ?
– Je gouverne cette nation d’une main de fer. Tout repose sur une parfaite harmonie qui implique une association pérenne entre le dirigeant et son peuple et cela depuis 304 ans. La pauvreté et la misère demeurent être la gangrène de toute civilisation. Je leur donne du travail certe fictif, car travailler sur des vaisseaux spatiaux que j’expédie sans communicateur une fois tous les cent ans, avec un équipage volontaire et cette perte ne représente pas grand-chose. Nous sommes un petit groupe de survivant de la terre qui réussit à garder un équilibre, chacun doit rester à sa place. Quant à ceux qui se rebellent, deux solutions; le reconditionnement de leur cerveau ou, on les récupère pour leurs organes, afin de prolonger la vie de notre Monarchie. Autant dire que je suis un génie, c’est pourquoi je suis là et toi ici.
– Vous êtes un dictateur capricieux qui se maintient au pouvoir grâce à nous.
– Elle ne sait rien de plus, actionnez l’injection mortelle puis envoyez son corps au recyclage.
La vache, la douleur de la piqûre me paralyse le bras, je sens la chaleur du poison courir dans mes veines.
– Mon exécution donnera de l’espoir au peuple.
– Ne te glorifie pas, j’ai fait détruire ton laboratoire et la clef.
– Monsieur, la distance entre chez elle et le sas semble suspecte, elle a parcouru quatre heures contre trente minutes par le chemin le plus court.
– Ma mort constitue une victoire, l’USB représente une diversion, la population connaîtra la vérité même si…
Deux jours plus tard, des Nano SD se retrouvaient dans plusieurs endroits de la ville, mais aussi dans l’estomac de Célina avec cette vidéo :
 Bonjour, ce que tu tiens dans tes mains, va transformer ta vie. Cette vidéo s’adresse à vous, peuple de la Nation. Cette carte SD contient les plans d’un laboratoire secret et toutes les réponses à vos questions. Lors de l’embarquement, j’ai introduit un transmetteur puissant afin que les résistants qui se sont glissés dans le personnel spatial puissent communiquer. Voici le message ; «  la Terre est viable, les deux autres navettes sont bien arrivées et l’équipage a survécu, le dirigeant nous a menti ». Fini la dictature, le rationnement alimentaire, fini de vivre comme des mendiants à travailler toute la journée pour rien. Pendant que notre gouvernement vit dans le luxe. Le retour tant désiré sur notre planète natale constitue une nouvelle espérance, d’égalité et de liberté. Certains d’entre nous ont donné leurs vies pour que vous puissiez bénéficier d’un destin meilleur ailleurs. Partager cette vidéo, battez-vous, sortez de cette misère et de cette dictature lunaire.  

Renard Séverine

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