Les bleus en peinture

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Tout en découpant la viande pour mes chiens, mon esprit s’égare vers ma muse. Sa chair nue contraste à la perfection avec le carrelage de la salle de bain. Ma toile reflète l’expression de son âme meurtrie, laissant entrevoir les bleus qui entachent son cœur.

Trois jours intenses à sculpter ce corps, pour fignoler cette mise en scène laissant le temps d’apparaître les hématomes de ma création. Je la revois étalée sur le sol, recouvert d’un camaïeu de bleu, contrastant avec ses yeux azure. Une larme franchissant la barrière de son œil gonflé et ses cheveux cordeaux recouvrant son sein droit. Au moment de la pose, j’ai soigné les nuances de bleu qui parsemaient sa peau, en utilisant différentes teintes pour parfaire la beauté de son corps et l’expression de sa douleur. Quelques coups d’ecchymoses par ci par là, mon œuvre, une merveille.

Mes acheteurs vont se l’arracher à la galerie d’art.

Dommage ! Elle a fini comme les autres. Elle ne m’écoutait plus quand je lui disais de se taire. Je serre plus fort le manche de mon couteau, sentant encore son cou entre mes mains. Ses mots résonnent en moi comme des ongles glissant sur un tableau. Il lui fallait toujours plus, rien n’était assez bien.

Les aboiements de mes chiens affamés me rappellent à la tâche. La découpe s’achève. Au moins, son corps était bien en chair. Je lance à mes molosses les restes de sa vie, qu’ils dévorent sauvagement.

Cette mare de sang rouge écarlate inonde mon carrelage, me lançant vers mon prochain chef-d’œuvre.

Renard Séverine

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