L’héritage maudit

Temps de lecture : 11 minutes

 

– Sébastien montre toi ! Ta femme est rentrée et je vais t’assassiner de mes propres mains.

Vivianne exaspérée longe le hall, épuisée par son voyage au festival de Canne. Franchement ! m’ignorer ainsi moi, Madame Montego Vivianne sa propre femme, il se prend pour qui ?

– Tu m’obliges à monter te chercher ! Osez m’ignorer pendant tout mon séjour, car MONSIEUR boude, croie moi que Shining à côté c’est le paradis.

Révoltée par son silence, la furie commence la chasse vers les dix chambres de la maison afin de débusquer son mari. Bouillonnante de rage, Viviane compose le numéro de son mari, même constat direct sur messagerie, fini sa quête dans leur chambre.
Une chose m’intrigue, rien n’a bougé, mes vêtements gisent encore sur le sol alors que Sébastien les ramasse d’habitude. Son portable toujours présent sur la table de chevet, bien sûr plus de batteries. Dans son dressing, rien ne semble manquer.
La colère laisse place à l’angoisse, Vivianne commence à accélérer le pas vers les autres pièces du bas, même observation. Elle débute par appeler les amies en commun, personnes ne l’a aperçu depuis deux semaines.

– Chéri, je m’excuse pour toutes les méchancetés que je t’ai balancées la veille de mon départ. Si tu te montres maintenant, je reconsidérais le fait d’avoir un bébé ! d’habitude ça marche, même si mon mari sait pertinemment que je ne céderais pas.
Qu’elle sotte je suis, ce crétin projetait de refaire la cave, il se planque surement ici. Où se trouve cette putain de cave, mince lors de la visite avec l’agence je suis restée dans les pièces principales.
La course folle reprend, dans toutes les pièces principales à la recherche du moindre indice, puis à l’extérieur de la maison. Merde toujours rien, j’ai dû me tromper, mais oui ! Il était censé la fabriquer.

La nuit commence à tomber et Sébastien n’a pas donné signe de vie. Submergée par la panique, elle se jette sur son téléphone et compose le numéro de sa meilleure amie.

– Julia, j’ai peur… la voix de Vivianne tremble, Sébast… il n’est pas là…
– Vous êtes bien sur le répondeur de Julia.

Le téléphone atterrit à l’autre bout du canapé, où Vivianne se laisse tomber. Mon dieu, la seule chose possible, des ravisseurs ont enlevé Sébastien. Elle reprend l’appareil et opte pour la police cette fois-ci.

– Police secours, comment puis-je vous aider ?
– C’est mon mari, Mr Montego, il a été pris en otage, il faut venir tout de suite.
– Vous avez assisté au kidnapping ?
– Non, quand je suis rentrée il n’était pas là, rien n’a bougé, tout-est là, je vous dis qu’on l’a K.I.D.N.A.P.P.E !
– D’accord Mme Montego, je vous envoie un commissaire dès demain matin. Donnez-moi vos coordonnées.
– C’est simple, c’est la grande demeure qui se trouve sur la côte à la sortie nord de la ville de Nice.
– Je vois très bien, Madame. Merci.
Vivianne se recroqueville sur le canapé imaginant toutes les horreurs que les ravisseurs sont en train de lui faire subir.
– Salut-chef ! Je vous ai posé un dossier, une déposition chez les riches comme vous les aimez.

Le commissaire Drue fronce les sourcils en poussant un grondement en guise de réponse, il prend le document sans même le regarder puis le jette sur le bureau de son collègue.

– Désoler Drue, Charlie est en congé aujourd’hui, donc tu vas devoir te coltiner toi-même l’affaire. Le grand chef t’a dans le collimateur. Il veut que je te fasse rappeler de traiter tous les litiges de la même façon.
– OK, allons rendre visite à la duchesse Montego, je te préviens si c’est encore pour une surprise. Je le tue moi-même le mari. Je lui ferais bien bouffer le fichier, mais je sens qu’il ne le prendrait pas très bien.

Drue lit le dossier avec rancune, la dernière fois il a mis un coup de poing au mari. Cela lui a valu son deuxième blâme. Si jamais cette histoire tourne mal encore, désolez papa, mais je retourne à l’agriculture. Il retire de sa poche intérieure la plaque de son père pour l’embrasser. C’était ton rêve pas le mien, maudite histoire d’héritage, flic de père en fils depuis je ne sais combien génération. Ma place ne se trouve pas ici.
– Bonjour, êtes-vous bien Mme Montego ? Le chef prononce ses mots avec un faux air de compassion.
Vivianne, les yeux gonflés.
– Qui voulez-vous que ce soit ?

Par son ton, Drue serre le poing, pour retenir ses remarques. Encore une ! qui a tout vécu et qui pense que l’argent lui procure des droits, je parie qu’elle n’a jamais travaillé de sa vie. Viviane l’invite à prendre place au petit salon, là où elle a dormi.
– Allons droit au but Madame Montego, pourquoi croyez-vous que votre mari ait été enlevé ?
– Regarder autour de vous ça coule de source, que voulez que ce soit d’autre franchement ? Pendant mon absence, rien n’a été déplacé. Son portable est resté sur la table de nuit, toutes ses affaires n’ont pas bougé, mêmes choses pour ses paires de chaussures. Il manque juste sa paire de chaussons donc je suppose qu’il les avait aux pieds.
– Certaines personnes font croire à une disparition, puis on les retrouve parfois quelques années plus tard, tranquillement en train de bronzer avec une petite minette et un compte caché je ne sais où.
– Je vous dis que c’est un enlèvement, quand allez vous lancer une alerte, bon sang. Cet homme n’existe pas sans moi, il est fou amoureux de MOI !
– Je suis désolé, mais on n’engage pas une alerte comme ça, au bon plaisir. Sachez que Mr Montego figure être majeur et c’est son droit de partir s’il le veut. Sans preuve d’enlèvement, je ne peux pas mettre des photos sur tous les pots de lait.
– Inspecteur, je vous prierais de prendre un autre ton avec moi.

Drue cède contre son gré à la demande de cette femme, une équipe de police intervient pour fouiller cette immense baraque. Pendant ce temps, il continue de mauvaise grâce cet interrogatoire.
– Alors, Madame, racontez-moi tout ; la dernière fois que vous avez vu votre conjoint, jusqu’à votre départ.
– D’accord, je sortais de ma douche. J’ai voulu le rejoindre dans son bureau avant de m’habiller, quand j’étais arrivée il était en ligne. Surement pour son travail d’import-export sur le vin ou pour la construction de sa nouvelle cave, moi j’avais d’autres idées en tête. Je m’étais assise sur le secrétait, et c’est là que je l’ai vu.
– Quoi ?
– Cette horrible statue.
Vivianne montre du doigt la colonne sculptée qui trône dans le hall.
– C’est sûr, on ne peut pas le louper.
– Mais non, il s’agissait du bon de livraison sur lequel se trouvait l’héritage de sa grand-mère. Lors du testament, j’avais précisé à Sébastien qu’il était hors de question que cette immonde chose rentre chez nous. Son aïeul l’avait acheté pendant son ultime voyage, après cela elle tomba rapidement malade, elle mourra dans l’année. Je voulais qu’il pense que le totem était maudit, pour le faire changer d’avis. Mais il avait refusé sous prétexte que cela avait une valeur sentimentale pour lui. Il se trouvait en croisière avec elle quand cette dernière en avait fait l’acquisition. À ses mots j’étais sortie furieuse de cette pièce et c’était la dernière fois que je l’avais vue. Le lendemain matin, j’étais descendue dix minutes avant que Julia arrive à neuf heures cinquante.
– Qui est Julia ?
– Une amie d’enfance avec qui je parcours les festivals et les défilés de mode. Elle n’a rien à se reprocher, vu qu’elle se trouvait avec moi.
– Je vais quand même devoir la contacter. Continuer.
– J’entendais sonner à la porte, ce n’était que les livreurs qui se présentaient avec l’immonde marchandise, une journée en avance. Je les avais suppliés et j’avais même voulu les payer. Mais rien n’à faire, il y avait un Haïtien qui répétaient sans cesse « mobi, mobi… » Ils devaient être pressés, ils ont en plus oublié la corde. Je leur ai donc désigné l’endroit où ils pouvaient le poser. Exaspéré, un livreur commençait à discuter mes ordres en me signalent qu’il y avait un troue dans le mur. Je lui ai expliqué que c’était normal, vu que je venais d’emménager. Cette veille demeure allait être rénovée, et qu’ils avaient plutôt intérêt de la poser là, s’ils ne voulaient pas avoir de problème. Puis ils sont partis s’en perdre de temps, au moment où Julia arrivait, le chauffeur livreur avait aussi failli rentrer dans sa voiture.
– Excusez-moi de vous couper, Madame Montego, mais je vais avoir aussi besoin de contacter les transporteurs, si cela ne vous dérange pas ?
– D’accord inspecteur. J’avais essayé de rejoindre mon mari, mais aucune réaction, j’étais dans la voiture de Julia à dix heures. Ce n’était pas la première fois qu’on se quittait ainsi et que je réglerais le problème en rentrant. Dix jours après me revoilà de retour. Mais il a toujours répondu à mes appels, car il sait que je m’angoisse vite. Je me suis donc inquiétée.
– Chef, aucune trace d’enlèvement, on peut dire que rien ne nous indique non plus à un départ précipité.
– Voici un formulaire, remplissez-le en prenant votre temps, je discute avec mes collègues en attendant et nous allons emporter son pc et son téléphone, si vous acceptez.

Le commissaire se pince le bout du nez, en inspirant et expirant pour décompresser son crâne. Puis sors rejoindre son coéquipier.

– Chef, on pense à un abandon de domicile, avec une aide extérieure !
– Moi aussi, on n’a pas le droit d’écarter l’autre piste sans indice plausible. Envoie le tout au génie de l’informatique et je veux les avancées au fur et à mesure. 
– D’accord commissaire.
Drue n’en pouvait plus de ce travail, avec le patron qui lui tournait autour, il faut suivre le protocole. Franchement, il faut vraiment que je pense à une reconversion, un retour aux sources ; l’agriculture.

– J’ai fini, voilà tout ce que vous m’avez demandé, Monsieur l’Inspecteur.
– Merci, je vous appelle dès que j’ai du nouveau Madame Montego. On va vous laisser vous reposer.

Vivianne tourne en rond depuis trois jours, plusieurs fois elle a tenté de joindre Julia qui elle aussi aurait bien disparu. Punaise, c’est quand j’ai le plus besoin d’elle que mademoiselle ne décroche plus son portable. À croire qu’elle possède une vie sans moi ! Son téléphone sonne enfin.

– Mme Montego ?
– C’est toujours moi, inspecteur, l’avez-vous retrouvé ?
– Les premières conclusions ne donnent pas de bonnes nouvelles.
– Je le savais, du chantage, quelqu’un vous a demandé une rançon, pire vous avez reçu son doigt et il menace de vous envoyer le reste si je ne paie pas. Dites le montant et je fais le chèque toute de suite.
– S.T.O.P ! Désolé, écoutez-moi, la thèse de l’abandon de domicile est presque confirmée, j’attends juste les derniers résultats. Vous saviez que votre mari détenait d’autres comptes bancaires que celui que vous m’avez indiqué hormis celui de la société. Puis il y a des échanges d’appels entre lui et votre amie Julia. La veille de votre départ, il a envoyé un SMS « on fait comme prévu, cela ne diffère en rien ». Puis une communication a été passer à 9 h 20 au même numéro, et ensuite un virement de cinq millions d’euros a été effectué. J’imagine que l’argent a été transmis à une société qui aide les gens à changer de vie. Malheureusement, je pense que votre amie pourrait bien être dans le coup. Je suis désolé.
– Sébastien demeure là auprès de moi et non avec cette connasse de Julia, ils se sont bien foutus de ma gueule.
– Calmez-vous, Madame Montego, cela ne sert à rien de s’énerver. Je passerais dans deux jours à quatorze heures, après traitement des derniers indices. Je vous donnerai plus de détails à ce moment-là, je vous rendrai vos affaires, et on signera les documents qui vous seront nécessaires pour signaler qu’il a quitté la maison.

Viviane se dirige vers la cuisine, dépitée, anéantie par la nouvelle. Ma Julia et Mon Sébastien, ils m’ont trahi, c’est pour cela qu’il se cachait ces derniers temps quand il recevait certains appels.

– Tu parles d’une amie, une garce, qui pique les maris des autres.

Elle entame la deuxième bouteille de champagne quand elle remarque un message de Julia sur sa boite vocale, elle ne prend pas la peine de l’écouter.
Elle boit au goulot et s’enfile d’une traite la bouteille avant de la briser contre la fenêtre du vestibule. Cette dernière se cogne contre son ennemi.
– Alors toi, espèce de tronc à quatre têtes, c’est à cause de toi qu’il est parti, tu me l’as pris. Tu vas voir, je vais te fracasser tes crânes. Cela ne te rendra pas plus beau, mais au moins je ne sentirais plus tes sourires diaboliques dans mon dos.

Elle attrape la corde du livreur, puis elle l’enroule autour de la colonne. Vivianne veut en découdre avec cette horreur qu’elle imagine être son mari avec son amante.

– Tu rigoles, tu ne m’en crois pas capable, espèce de Cerbère. Je vais te refaire le portrait et on verra qui rira après cela.

Cette femme au fort caractère tire de toutes ses forces, la statue chancelle légèrement. Mais dans sa tête alcoolisée c’est une résistante à son autorité et un affront à son image. Elle prend appui, la pile de diablotins vacille et tangue. Comme la vision de Vivianne, qui continue de démontrer sa puissance. Le démon commence à tomber lorsque cette dernière glisse sur le carrelage. Le fracas de crâne est énorme.

Drue arrive comme prévu au rendez-vous, il sonne depuis déjà quinze minutes et personne ne répond. Il tente alors de téléphoner, rien. Le commissaire jette un œil par la fenêtre et il aperçoit la colonne renversée et deux bras qui dépassent en dessous. Des sueurs froides coulent dans le cou de Drue qui appelle tout de suite une équipe pour la scène de crime. Il pénètre dans la demeure sans trop de mal, la porte n’était même pas verrouillée. À en juger la coagulation et la couleur du sang, il n’y a plus rien à faire. Ils sont quatre policiers pour déplacer le totem resté intact, cependant la tête de Viviane est méconnaissable. Drue constate la corde qui entoure la statuette et repère les verres brisés de la bouteille de champagne, il en conclue à un accident. Son œil est attiré par un nouveau détail sur la moulure du mur, il aperçoit un trou en forme de serrure.

– Dis-moi Julien, c’est bien ce que je pense ?
– On croirait bien qu’il y a une pièce de l’autre côté, je me souviens avoir vu un reportage sur des caves secrètes dans des maisons du 17 siècles, pour dissimuler les richesses des pillards.

Drue appuie sur le panneau et un clic se fait entendre, mais une odeur de putréfaction sort de la cachette, tellement immonde que certains fuient en courant pour vomir. En ouvrant plus grand la porte, le cadavre de Sébastien s’effondre au pied du commissaire, qui surprit, recule.

– Au moins, on a retrouvé Mr Montego, il est surement mort de déshydratation et de faim. Le totem bloquait la porte, le livreur voulait le signaler. À mon avis le mari voulait surement prendre des mesures, vu le matériel qui l’entoure. Soit c’est un mauvais timing ou alors cette statue est vraiment maudite.
En rentrant au commissariat, il trouve le dossier final de l’affaire. Le virement des cinq millions d’euros était pour financer la nouvelle cave de monsieur avec du vin et du champagne d’exception et très rare, qui devait arriver dans les jours qui suivent. Le SMS « on fait comme prévu, cela ne change rien » provient d’un de ses amis qui devait lui donner un coup de main pour la construction de son caveau. En ce qui concerne les appels et les messages à Julia, c’était pour organiser l’anniversaire de Vivianne qui avait lieu dans deux semaines, il se renseignait sur le cadeau parfait.

Renard Séverine

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *