Manège à injection mortelle

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– Gaby ! Emmenez ma femme où bon lui semble et soyez de retour dans une heure !
– Et l’affaire Cather ?
– Je me dispenserais de vous ! Angéline passe avant tout !
– Mr Milas, je suis votre assistante, pas sa nounou !
– C’est moi le boss ici. C’est moi qui signe les chèques.
Gaby serre les poings, opine de la tête, et ce, malgré son envie folle de tout envoyer balader à cause de cette morue.
– Gaby n’oubliez pas son insuline ! lui ordonna-t-il.

Il me bouffe le cerveau avec ses grands airs de « c’est moi le patron ici ». Madame, je n’accomplis rien toute seule ! À vingt-quatre ans, elle n’est même pas fichue de calculer son insuline. Et vas-y que je n’aime pas les piqûres, et vas-y que je ne fais pas confiance aux infirmières. Je ne suis pas sa mère, moi !

Dire que Monsieur Milas l’a rencontré grâce à moi lors d’une de mes réunions pour diabétiques. Si j’avais su… depuis qu’Angéline lui a sorti son manège de femme fragile, cette greluche ne nous lâche plus. Me voici larbin de cette écervelée ! Vas-y que le boss emballe miss blondinette comme s’il n’allait jamais la revoir ! Si ça pouvait se réaliser !

Angéline et Gaby arrivent dans le parking du sous-sol, frôlées de peu par une voiture en mode Fast and Furious
J’aurais pu pousser Angéline à ce moment-là ! Ni vu ni connu. Mais avec toutes ces caméras braquées sur nous, je ne passerais pas inaperçue. Depuis son arrivée, Monsieur Milas ne fait plus attention à moi, ne me sollicite même plus sur les grosses affaires. Je sers juste de baby-sitter à cette connasse mal baisée !

Destination la fête foraine, Gaby est assaillie par la foule, le bruit et les odeurs de sucre lui foutent la nausée.

– Gaby ! Accompagne-moi dans les manèges !
– Vas-y, Angeline ne te prive surtout pas pour moi. Peut-être tout à l’heure.
– Décoince-toi un peu, G!

Je hais ce surnom «G» ! ça ne veut rien dire, tout ce qui vient de cette poufiasse blonde me répugne.

Je devrais me trouver avec Mathieu, à bosser en tête à tête sur les gros dossiers de la boîte. Je sentais que mon destin était liée à lui et qu’il allait finir par craquer. On formait une super équipe d’intouchables. Enfin, pas depuis que cette pétasse remue ses fesses rebondies, comme un appel à l’esclavage sexuel.

Angeline agite sa main depuis son manège.

Vas-y sourit mon ange, tant que tu le peux !!!

Marre de ses conneries, marre de ses revendications, c’est moi qui aurais dû être sa femme! Hors de question que j’en paie les conséquences ! C’est décidé, cette greluche doit disparaître !

Pourquoi ne pas la pousser dans la Seine ? Non, trop de monde ! Un promeneur irait la repêcher !
Monter dans un manège ? S’arranger pour que sa ceinture ne soit pas bien attachée ? Sûrement pas ! Elle vérifiera par sécurité !!

– Hey Mam’zelle! T’as besoin d’un p’tit remontant?
– Dégage connard ! J’ai l’air d’une camée ou quoi ?
Gaby regretta un instant de l’avoir éjecté aussi brutalement. Peut-être détenait-il quelque chose pour l’aider à abréger cette souffrance.

– Hé merde ! Mec revient ! Finalement, donnez-moi le truc le plus fort que tu as !

Il finit par lui filer une nouvelle drogue, quelque chose qui remontait les neurones à l’envers. Un mélange aux effets immédiats.
Gaby passe d’une humeur maussade à un tempérament joyeux. Pour fêter ça, elle méprise le diabète et s’achète une tournée de douze croustillons.
– Un petit croustillon Angéline ? Lui proposa Gaby avec gentillesse.
– Un seul ! Ça me fait envie ces trucs, mais tu me connais ! Avec ce diabète, je dois faire attention !
– On ne vit qu’une fois mon ange !
– T’as raison pour une fois que tu te lâches alors moi aussi !

Finalement, je sens que cette journée va finir par me plaire.

– G, je pense que tout ce sucre, ce n’est pas l’idée du siècle.
– Un coup d’insuline et on effectue un dernier tour de manège pour terminer cette après-midi. Je dispose de tout ce qu’il faut dans la voiture.

G trépignait comme une gamine devant ses cadeaux de Noël. Dans l’auto, Gaby lui prend sa glycémie et prépare une dose d’insuline sans négliger le petit cocktail du gars déchiré de tout à l’heure. Pour une fois, je suis ravie qu’elle ne sache toujours pas calculer son insuline !
Mince ! mon téléphone, je vois sur l’écran que c’est le boss qui appelle. Je redresse la tête, un sourire niais se dessine sur le visage de cette gamine.

– Désolée G, j’ai encore oublié de le prévenir ! Christian doit être furax.
– De temps en temps, tu pourrais assumer tes conneries.

Gaby soupire, sors de la voiture en claquant la porte, Angéline pousser un grand «merde!».

– Oui Monsieur?
– Où vous trouvez-vous bon sang? Ça fait deux heures que vous devriez être rentrées.
– Désolée, mais Angéline voulait s’amuser à la fête foraine, et…
– On en reparlera dans mon bureau?

Il ne peut pas se rendre compte à quel point cette blondasse nous pourrit la vie.

Gaby raccrochait, encore plus animée par l’envie d’en finir avec elle. Dans la voiture, l’injection s’opère en express. Vu la tête de la gourde il ne faut pas traîner pour faire ce dernier tour de manège, je ne voudrais pas qu’elle crève dans la bagnole.

G sens l’adrénaline parcourir son corps, des sueurs froides rouler le long de son dos. Mon visage ne doit pas rester impassible, car la greluche me demande si je vais bien. Plus on avance dans la file, plus j’ai les mains qui tremblent, est-ce de la culpabilité?

– Dis–moi, G, ton insuline, c’est le même que la mienne, avec la même dose.

Heureusement qu’on grimpe enfin dans l’engin. Je pense que la blondasse commence à se douter de quelque chose. Le manège entame sa montée.

– Tout pareil Angéline.
– Tant mieux, lorsque t’as claqué la porte, les seringues sont tombées, et comme tu avais l’air remontée je n’ai pas osé te le dire. J’espère que tu te tiens prête pour la tour mortelle.

La Garce ! Angéline crie « Encore !». Gaby a de plus en plus de mal à respirer. Glacée, son cœur pète un sprint, Blondinette lève les bras. Bien harnaché, G s’étouffe dans la puanteur de son dégueulis, les pulsations finissent par exploser. Le noir envahit Gaby dans les rires de cette Ange.

Renard Séverine

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