Quand l’ogre prend la main d’un enfant.

Temps de lecture : 5 minutes

J’ouvre la porte sur des années de préparation physique et mes 2 mois de surveillance intensive pour pouvoir enfin atteindre ce bâtard. La haine coule dans mes veines et la souffrance remplit mes poumons. Elles m’ont permis de survivre jusqu’à maintenant. La mort elle-même ne saurait empêcher ce qui va suivre. La faucheuse m’a laissé exister pour que cette journée ait lieu. Je ne parviendrais jamais à effacer l’horreur commise: la vision du petit corps de ma sœur de cinq ans sans vie sombrant vers le fond du fleuve, harnaché d’un gilet de poids, qui hante mes nuits. Voilà pourquoi j’ai survécu.

L’ogre est installé dans son fauteuil, le regard vitreux, à moitié endormi par la drogue et dans sa main, le fameux billet de cent francs belges. Maintenant, ce sadique sait qui je suis, la dose qu’il a ingurgitée est juste assez forte pour que ce monstre reste conscient. Le chronomètre est lancé. Je dispose de 15 minutes avant qu’il ne reprenne ses esprits. Je prends une grande inspiration. Je me retrouve face à mon pire cauchemar.

–  Je vois que tu as découvert mon petit message.

J’enlève mon foulard rouge, laissant apparaître la cicatrice autour de mon cou.

–  T’identifier a été un jeu d’enfant. Un important chef d’entreprise comme toi s’affiche souvent à la une des magazines. Je savais que tu comptais trop sur tes hommes de main pour la sécurité qui, d’ailleurs, ont été facile à berner. Ta secrétaire, morte maintenant, a consenti avec peine à me donner toutes les informations nécessaires à ton sujet. Ce qui m’a facilité la tâche pour m’infiltrer dans ces lieux en prenant sa place, pour introduire le narcotique dans ton café et glisser ce précieux billet dans ton courrier pour t’annoncer ma venue.

Malgré la drogue, un sourire sournois trône sur le visage de ce sadique. Par sa simple présence, des flashs de mon passé ressurgissent. Tous ces gosses assassinés par ce boucher, le sang giclant de leurs petites gorges. Et nous étions dans l’obligation d’admirer ce sombre spectacle pour que nous sachions qui est le maître. La puanteur des corps entassés au fond de la cave en attendant son équipe de nettoyage pour effacer le carnage de cet ogre. C’est ainsi qu’on l’appelait entre nous. Nous ne possédions plus rien, dignité, conscience, tout nous avait été arraché par ce monstre. Parfois, nous souhaitions être le prochain sur la liste du boucher même si cette façon de mourir nous paraissait bien macabre. Je contourne son bureau et les pensées deviennent plus fortes. J’y dépose mon porte-serviette avec à l’intérieur mes instruments de torture. J’ai pris soin d’annuler tous ses rendez-vous. Cet argent éveille toujours en moi un frisson terrible. Le souvenir de ce fameux billet de cent francs belges destiné aux enfants, qui servirait à l’assouvissement des pulsions sexuelles de ces hommes que l’ogre ramenait. Nous devions offrir à ces pervers cette monnaie en guise de cadeau, comme pour leur donner l’illusion que c’est nous qui souhaitions nous faire baiser par ces pédophiles sans moral. Les gamins désignés pour la séance étaient pris par la main et conduit dans la pièce dédiée aux invités.

C’est pour vous mes amis de la cave. Aujourd’hui, l’ogre doit disparaître.

Nous savions que le soir, il viendrait seul, à la vue de la nouvelle fournée d’enfants apeurés qui arrivaient le matin. Cela se produit lorsque certains gosses ne tenaient plus sur leurs jambes, trop affamés et abîmés par la surdose de drogue, destinée à nous rendre dociles pendant les rapports sexuels. L’ogre rassemblait tout le monde dans la pièce, puis l’horreur débutait. Je percevais l’excitation dans ses yeux. Ce gros porc prenait son pied à installer la peur dans nos esprits. Après son acte de perversion, nos compagnons de misère étaient égorgés sur place. L’image atroce des yeux de ma sœur braqués sur moi, me suppliant de mettre fin à ses abominations, me hante encore aujourd’hui. Je l’ai regardé mourir sans rien faire avant que ce ne soit mon tour. Une larme coule à cette pensée, ma frangine, les autres…

–  J’espère que tu es prêt l’ogre!

Ma parole est emplie de haine.

Il tente de parler. sa voix se fait rauque style Bruce Willis.

–  Je me souviens de toutes mes favorites, toi et Sophie. Je vous gardais jalousement pour moi, contrairement aux autres amuse-gueules. Tu as eu raison de passer me voir ! Tu la sens, c’est pour toi !  Ma petite Emilie !

Je lui balance mon poing dans sa tronche d’assassin. La bile me monte à la gorge. Il me répugne.

Ne te laisse pas impressionner! Le diable attend son âme avec impatience.

Je déroule mon attirail comme un chef cuistot sort sa panoplie de couteaux. Je commence par le scotcher au siège. J’aperçois son sourire à la Joker.

 Il bande ce salop! 

Je me retourne pour prendre un instrument de torture quand je l’entends tirer sur le scotch et se détacher. Il chope ma hachette. Je reste pétrifiée par sa carrure imposante. D’un coup sec, il me tranche la main gauche. J’attrape le premier objet passant par là et lui enfonce le stylo plume dans la jugulaire. Il pisse le sang l’abruti. Il hurle de douleur, m’insulte au passage. Une mare d’hémoglobine envahit le bureau. L’odeur enveloppe la pièce et fait ressurgir en moi la rage. Pendant que l’ogre se pose de nouveau sur son trône et tente d’arrêter l’hémorragie, je m’empare de mon pieu grand clou et lui plante dans ses bijoux de famille. Le pervers se tient les couilles, laissant du coup jaillir le liquide écarlate de sa blessure. Un cri strident s’échappe de son gosier. Je prends le billet de cent francs belges et lui enfonce dans la gorge. J’aperçois une lumière rouge

–  Merde!

Dans un acte désespéré, ce salaud a déclenché l’alarme.

Hors de question que ce pédophile s’en sorte.

Je me précipite vers l’ogre en brandissant mon poignard. Mes yeux vissés dans les siens, je lui ouvre le ventre de bas en haut. Ses entrailles dégoulinent sur le sol.

Pour ma sœur Sophie et tous les autres… 

Je ramasse ma main. Il ne me reste plus qu’à sortir d’ici, d’autres salauds sont sur ma liste.

Renard Séverine

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *