Va-t’en Croque-Mitaine !

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J’entends un bruit, des petits craquements dans les murs, la porte grince légèrement me faisant hérisser les poils. Vite ! Je tire la couette par-dessus ma tête et je me recroqueville. Mon cœur joue du tambour dans ma poitrine, je ferme les yeux très forts. Je l’écoute respirer, j’ai envie de faire pipi tellement j’ai la trouille.

Ne panique pas ! 

Mes yeux ont envie de pleurer et la peur m’envahit de plus en plus. Je tenterais bien d’appeler mes parents adoptifs, Sylvie et Stéphane, mais ils m’ont dit de prendre sur moi.

Cela fait déjà trois nuits que je crie pour qu’ils voient l’horrible croque-mitaine. Mais chaque fois qu’ils arrivent dans ma chambre, le monstre disparaît. Ce matin, Stéphane m’expliquait que mon petit frère Arthur n’a que cinq mois. A cet âge, il devait dormir ou sinon il sera grincheux toute la journée. Sylvie avait ajouté que lorsqu’on atteignait huit ans, les histoires de créatures monstrueuses s’étaient finies.

Le bébé a besoin de plus d’attention, tu dois donner l’exemple, tu es son grand frère maintenant…

 Sylvie ne m’aime pas beaucoup depuis ma rencontre avec tata Véronique, sa sœur. À chaque fois que je voyais tata, un petit monstre aux yeux injectés de sang se tenait sur sa tête. Cette petite bête me foutait la trouille. Un de ses doigts ressemblait à une aiguille et une oreille entourait son crâne. Cette bestiole plantait son aiguille dans le crâne de tata, cela me dégoûtait. Je ne savais pas comment le dire donc je décidais de dessiner tata Véronique et la monstruosité accrochée à ses cheveux. Sylvie a cru que je détestais sa sœur alors que je l’aimais très fort. Elle m’en a voulu encore plus quand tata est morte d’un cancer du cerveau. Maintenant, je nomme ce monstre Cancer et surtout je sais que je ne dois pas le dire aux adultes quand je l’aperçois. Une fois, où l’on rendait visite à la grande mamie de Sylvie, je demandais à Stéphane pourquoi la personne à côté de grande mamie était déguisée. Il ne voyait pas de qui je lui parlais donc je l’ai décrit. La personne était habillée d’une grande robe noire à capuche qui lui cachait le visage et dans une main, elle tenait un long bâton avec une espèce de couteau au bout. Il était devenu tout pâle et m’avait fait sortir parce que tout le monde me regardait bizarrement. Apparemment, cette personne s’appelle Faucheuse et chute ! Sylvie m’a encore ignoré, car sa mamie est morte trois jours plus tard.

Arthur a commencé à s’agiter dans son lit. C’est plus fort que moi. Je dois y je jeter un œil. Lentement, je m’efforce d’écarter la couverture avec mes mains tremblantes. L’horrible bête avec ses deux yeux jaunes brille dans le noir et se déplace sur le mur de notre chambre pour terminer sa course près du lit d’Arthur. Il paraît immense plus grand que Stéphane, surtout quand il étire son corps tout maigre, répugnant et noir. J’aperçois l’immonde croque-mitaine qui tourne autour de la tête d’Arthur qui essaie de lui parler. 

Il est moche, horrible.

 Normalement, j’aurais appelé mes parents adoptifs, mais je n’ai pas encore envie qu’on m’accuse de réveiller mon petit frère, et qu’ils me fassent des leçons de morale sur la façon d’être un super grand frère. Je sais déjà tout ça.

La longue queue fine du monstre se promène en tournant au-dessus d’Arthur.

J’ai peur ! Que dois-je faire ? Je dois prendre sur moi.

Je me force à ne pas fermer les yeux de peur qu’il vienne me trouver. Le croque-mitaine va peut-être s’en aller de lui-même. Cela fait cinq minutes qu’Arthur joue à essayer d’attraper sa queue. Mon frère semble courageux même devant le monstre, il rigole. Peut-être que je me trompe, la bête ne paraît pas si méchante. Je les distingue à peine, je me sers de la lumière qui passe à travers les volets, pour les voir.

Mince je me suis endormie.

Je sursaute, lorsque mon frère ronchonne. J’ai dû m’assoupir en les regardant.

Quelle horreur !

  L’horrible bête se trouve pratiquement sur Arthur qui commence à pleurer. La bête, à la pointe de sa queue qui s’enfonce dans la poitrine du bébé. Le monstre sort sa grande langue et se lèche le visage comme s’il savourait son repas. J’imagine mon frère se noyant dans sa baveuse visqueuse.

Qu’est-ce que je dois faire ? Il va le tuer, si j’appelle les parents, ils vont dire que c’est ma faute, que j’ai trop d’imagination, les monstres n’existent que dans ma tête, car ils ne voient pas le monstre.

Je serre mon coussin en pensant que je suis aussi fort que le capitaine America.

Je dois me montrer courageux comme un Avengers et prouver à tout le monde que je peux être un super grand frère.

Je saute du lit et fonce droit sur l’épouvantable monstre en la frappant de toutes mes forces avec mon oreiller, en fermant les yeux pour oublier à quel point il me terrifie, en lui criant dessus.

_ Dehors Croque-mitaine ! On ne veut pas de toi ici ! Laisse-nous tranquilles !

Le monstre disparaît dès que la pièce s’éclaire. Je suis essoufflé, mais Arthur est sauvé et il a même arrêté de pleurer. Mes parents rentrent paniqués dans notre chambre et Sylvie se précipite vers mon frère sans un regard pour moi.

 J’aperçois Stéphane et je soulève mon arme d’un air triomphant en lui annonçant fièrement ma victoire.

_ Il ne reviendra plus jamais nous embêter ! j’ai fait fuir le monstre, je suis « super grand frère » !

Sylvie fond en larme, m’attrape par les épaules et me tourne vers elle.

Je pensais qu’elle voulait me féliciter, jusqu’à ce qu’elle me hurle dessus.

_ Mais qu’est-ce que tu as fait Jérémie ? Arthur ! ton frère ! Il n’y a pas de monstre ici !

Certes, il y a un peu de bazars avec la bagarre, et le monstre a dû casser le mobile qui se retrouve tombé dans le lit du bébé. Pas de quoi en faire tout un drame, des larmes de colère tombe sur mes joues, je la repousse et rage contre elle.

_ Je sais que les monstres existent et ce n’est pas ma faute si tu ne les vois pas.

Stéphane accoure vers le berceau et prend Arthur dans ses bras qui ne bouge plus du tout.

Les enfants de l’orphelinat m’avaient prévenu que les adultes ne me croiraient pas !

Renard Séverine

 

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